Le voyage improbable
Avec beaucoup de courage, moi, claustrophobe, ai pris un train de Paris à Toulouse depuis la Gare de Montparnasse (celle remplie de petits tunnels à sa sortie). Je croyais que le gros de l’aventure allait se finir sur ce moment et que le reste serait pure détente. Faux ! Qui as l’habitude de voyager sait que habitude et certitude ne sont pas des choses à s’y attendre dans le déplacement. D’ailleurs, la seule posture d’un.e voyageur.se expérimenté.e est de ne pas savoir à quoi s’attendre. Donc je viens de mentir sur ce texte, car je savais que ça n’allait pas être détente de tout. Et tant mieux ! Les surprises se sont enchaînées, d’entre elles les effrayantes, les étonnantes et les charmantes.
C’est ainsi que j’arrive à Toulouse où je suis attendue par une copine colorée de beauté et des mimosas qui l’entourait. Parmi des éternuements de pluie, nous sommes passées par deux arcs-en-ciel, et avons roulé sur un troisième avec les roues d’une voiture illégale (ne me demandez pas comment, mais je vous assure que c’est vrai).

Petite soirée feu de bois, frites et enfants, nous terminons la nuit dans un village sombré dans la pénombre. On m’a dit qu’il y avait 45 habitant.e.s, mais à part un cerf chantant, les deux colloques de ma copine, le copain d’une d’entre elles (venu d’ailleurs, donc il ne compte pas) et une chienne en chaussettes blanches, je n’ai vu d’âme d’autre (si, quelques chats quand même). Après belles balades, réflexions, confidences et un chouette apéro, nous sommes reparties vers un autre village, plus grand cette fois-ci, et là nous avons travaillé en cuisine pour un festival … Oh là là, c’était dur, c’était long, c’était drôle, c’était fatigant, c’était chouette.
Et c'est ainsi que la déferlante de nouvelles rencontres, qui allait avoir lieu tout au long du séjour, est démarrée : Adeline j’appelais Adèle, Laura j’appelais Laure, Aladim - Adam, Virgile - Vincent, Alice - Aline, Filippo - Peppe, et plein d’autres prénoms trompés dont je ne me rappelles tout simplement pas. Mais chacune de ces sonorités, de ces mélodies mi-oubliées, qui servent à appeler les gens, évoquent bien des visages qui sont tout à fait clairs et vibrants dans mon souvenir. Le visage qui m’a donné à manger, qui m’a écoutée, qui m’a fait rigoler, qui m’a parlé, qui m’a fait danser. Et les visages à Toulouse, qui m’ont hébergée lorsque mon train de retour (et celui d’après, et celui d’après et celui d’après…) ont été annulés. C’est ainsi que j’ai pu squatter chez des inconnu.e.s (maintenant des connaissances bien sûr), que j’ai pu trouver un vélo, avoir un cadenas et manger des bons repas. Mais la déferlante continue, et dans la rue je rencontre celle qui m’invite à une soirée Drag Queen en soutiens aux travailleuses du sexe … Je passe ainsi mes dernières heures toulousaines remplie de paillettes et de la sueur de mon corps dansant, et n'apporte avec moi qu’un seul regret : être rentrée trop tard de cette soirée et ne pas avoir fait les adieux aux colloques toulousain.e.s qui dormaient déjà. J'ai donc récupéré mes affaires de manière furtive et suis partie la nuit vers la gare, pour prendre le train depuis lequel je vous écris ce texte.
Et sur cette transition entre deux points repères,
je vous souhaite de belles imprévisions.
Sarah Poli